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La transe chamanique

Médium de naissance, mon chemin de praticienne et pratiquante a été jalonné d’expériences riches et édifiantes.
De la transe spontanée à la pratique cadrée, jusqu’à la mise en place d’un protocole personnel. 
J’utilise la transe médiumnique ou chamanique comme outil thérapeutique personnel mais aussi lors des séances de Guidance que je vous propose.
Le tarot me sert de catalyseur et de cadre, permettant d’ouvrir et fermer mes « antennes ».
Il est le point de reliance, le pont que j’utilise pour vous délivrer les messages qui vous relieront à votre vérité intérieure, votre essence, votre âme.
Rachel 
Psycho-énergéticienne Tarologue

La transe vue par les scientifiques

Quand une « chamane cartésienne » française forme des scientifiques à la transe

 

Longuement formée au chamanisme en Mongolie, la musicologue française Corine Sombrun a convaincu une large communauté de chercheurs et de soignants du potentiel thérapeutique de la transe cognitive. Début mai, à Lyon, s’est tenu le premier congrès scientifique au monde sur ce sujet. « L’Obs » a pu y assister.

 

Par Dominique Nora (envoyée spéciale à Bron), publié le 27 mai 2023 à 7h00

 

A la tribune de l’amphithéâtre, qui rassemble 150 personnes, Corine Sombrun est émue aux larmes. Nous sommes au centre hospitalier Le Vinatier de Lyon, dans le bâtiment consacré à l’enseignement. Mais cette frêle femme brune de 61 ans n’est pas une ponte de la médecine. Et l’assistance n’est pas composée d’étudiants, mais de chercheurs en biologie, de neuroscientifiques, de psychiatres, de psychologues, des médecins, des physiciens, des mathématiciens… sans oublier une linguiste et quelques anthropologues.

 

En cette après-midi du 4 mai, ils se lèvent pour applaudir chaleureusement l’oratrice, qui conclut le premier congrès de recherche au monde sur la transe cognitive auto-induite (TCAI). Malgré le mot « transe », à connotation ésotérique, il n’est ici question ni de drogue, ni de croyance spirituelle ou magique. La TCAI désigne un « état non ordinaire de conscience », un état de cognition amplifié, qui peut être induit et stoppé par la seule volonté.

 

En effet, après quinze années de travail acharné, Corine Sombrun a non seulement su démontrer que plus de 90 % des gens peuvent, en quatre jours d’initiation, apprendre à pratiquer ce type de transe de façon autonome par la simple volonté. Mais elle a surtout dépouillé cette pratique de son caractère exotique, lié aux diverses traditions chamaniques, pour en faire un objet d’étude scientifique. Avec l’espoir qu’elle devienne, à terme, un outil de santé, de bien-être et de créativité adapté au monde contemporain.

 

« J’avais la sensation d’avoir un museau, des pattes... »

 

Corine Sombrun n’avait pourtant pas étudié la science, mais la musique. Fin 1999, alors qu’elle dirige une école dans le sud de la France, le deuil douloureux d’un être cher amène la compositrice à aller travailler comme ethno-musicologue pour la BBC, à Londres. Mais son destin bascule à l’été 2001, quand elle part enregistrer la bande-son d’une cérémonie chamanique aux confins de la Mongolie. A la seconde où le chamane Balgir commence à jouer du tambour, Corine est comme possédée ! Elle raconte dans son livre « la Diagonale de la joie » (Pocket, octobre 2022) :

 

« Je me suis mise à trembler, le nez d’abord, puis mes mains et puis j’ai commencé à frapper mes cuisses… »

 

L’instant d’après, la jeune femme se transforme malgré elle en bête sauvage, tentant d’arracher son tambour au chamane : « J’avais la sensation d’avoir un museau, des pattes. Et chaque fois que j’ouvrais la bouche, ce ne sont pas des mots qui sortaient, mais un hurlement de loup… »

 

En Mongolie, on considère que seule une personne sur cent mille a cette faculté d’entrer en transe au son du tambour. Aussi, après avoir sorti Corine de sa transe, Balgir lui explique qu’elle est « une grande chamane », et doit rester pour se former, faute de quoi sa vie deviendra « un enfer ». Eberluée, la jeune femme commence par résister. Mais sa curiosité et le mince espoir de communiquer avec le monde des morts la poussent finalement à retourner étudier le chamanisme au sein de la communauté Tsaatan. Comme cela est raconté dans le film « Un monde plus grand » (où son rôle est incarné par Cécile de France), la jeune Française endure alors, huit ans durant, l’âpreté de la vie en yourte et les moqueries de sa mentor, la chamane Enkhetuya, qui la surnomme « petit trou du cul ».

 

Transportée par sa maîtrise croissante de la transe chamanique, elle s’accroche cependant jusqu’au bout à cette aventure. D’autres qu’elle se seraient pris pour un être exceptionnel, capable de converser avec les puissances de l’invisible. Corine Sombrun, qui se décrit comme « un esprit cartésien, sans penchant mystique », est au contraire convaincue qu’elle n’a rien d’unique. Elle explique ses facilités de « transeuse » par une expérience de mort imminente, subie à l’âge de 11 mois. Dès lors, elle veut à tout prix comprendre ce qui se passe vraiment dans ses circuits neuronaux.

 

Après s’être fait plus d’une fois traiter de simulatrice ou de folle, elle arrive donc, à partir de 2006, à embarquer dans sa quête quelques « bonnes fées » de la médecine : d’abord, le chercheur Pierre Etevenon, de l’Inserm, qui la recommande au psychiatre canadien Pierre Flor-Henry, en Alberta. Celui-ci publiera, en 2017, la première étude sur le sujet. Puis la médecin Marik Cassard, et enfin le chercheur Francis Taulelle, du CNRS, aujourd’hui décédé, et le professeur de neurosciences François Féron, avec lesquels Corine Sombrun créera, en 2019, l’Institut TranceScience. Pour se plier aux électroencéphalogrammes, IRM et autres examens requis, la jeune femme s’est transformée en véritable cobaye de laboratoire. La tête couverte de capteurs, elle apprend à induire la TCAI sans stimulus, à en sortir à volonté… et surtout à rester immobile pendant les enregistrements.

 

Un état non pathologique

 

Les experts ayant établi que cet état dissociatif léger était non pathologique, non dangereux (sauf contre-indications) et réversible, Corine acquiert la conviction que tout être humain porte, en germe, ce potentiel :

 

« Je me suis dit, dès 2007, que le son du tambour chamanique n’était sans doute pas suffisamment puissant pour déclencher la transe chez la majorité des gens. Mais j’étais persuadée que nos cerveaux étaient tous configurés pour vivre cette expérience : il fallait juste trouver la bonne clef pour l’induire... »

 

La musicologue s’attelle alors avec obstination à l’invention d’une « boucle de son » capable de  déverrouiller notre conscience. Suivent des années d’essais, d’échecs et de déception… pour finalement toucher au but, le 8 décembre 2015, avec l’aide précieuse d’Elie Le Quéméner,  chercheur et membre du comité scientifique de TranceScience. Ce jour-là, un groupe de volontaires des Beaux-Arts de Nantes est soumis à leur sound loop. Eureka ! Au bout de douze minutes, la salle entre en effervescence : Sylvia a les yeux révulsés puis se met à pleurer, Paul frappe constamment son torse du plat de la main droite, Gaspard rampe sur le ventre tel un varan avant de se mettre à japper, Marina a les mains en forme de pattes d’oiseau et roucoule, Vassili fait des gestes de tai-chi et Chloé de karaté…

 

Ce jour-là, 16 étudiants sur 20 entrent en transe. Plus généralement, environ 10 % des gens ne parviennent pas à accéder immédiatement à la TCAI, sans que l’on sache à ce stade expliquer pourquoi. Pour Corine Sombrun :

 

« Chaque transe est singulière. Certaines personnes vivent momentanément des transformations en brin d’herbe, en rocher, en escargot, en aigle ou en loup… D’autres non. »

 

Une même personne peut d’ailleurs vivre des expériences successives très différentes, en fonction de son intention, de son état psychique ou de son environnement.

 

Le panel des sensations rapportées par les « transeurs » est très large : une modification de la notion d’espace et de temps, une augmentation de la force et une diminution du ressenti de la douleur, l’émergence de visions et de perceptions sensorielles hors normes, un accès amplifié à des informations peu ou pas accessibles dans un état de conscience ordinaire, un développement de l’estime de soi et de la créativité, une amélioration des capacités d’interaction avec autrui… qu’il s’agisse d’humains ou de non-humains. Corine compare la transe à un trek :

 

« Une aventure surprise qui permet d’explorer une partie non révélée de sa personnalité, une ressource pour faire face aux obstacles. »

 

Du coup, cette pratique « qui nous rend plus connectés, plus en lien avec le vivant », changerait notre façon d’être au monde.

 

Corine Sombrun n’a cependant ni l’apparence, ni l’âme d’une gourou. Modeste, elle ne vend pas la transe comme un remède miracle… et encore moins comme une partie de plaisir ! D’une part, il existe des contre-indications (comme les problèmes cardiaques ou la prise d’antidépresseurs). D’autre part, le chemin peut se révéler chaotique : « Il peut y avoir des peurs, des traumatismes anciens qui remontent. Chaque transe que l’on vit est celle que l’on est prêt à vivre », dit celle qui compare la TCAI à un régulateur émotionnel, « une sorte d’accordeur qui permet au corps de faire les ajustements dont il a besoin ».

 

Une diminution de l’inhibition

 

D’un point de vue neurologique, la TCAI présenterait des traits communs avec la transe hypnotique et les trips psychédéliques. En mode de fonctionnement normal, notre cerveau est très organisé avec une diminution de son « entropie » (désordre), ce qui permet d’activer des fonctions. « L’hypothèse est que, en transe cognitive, cette forme d’organisation serait mise en sourdine, au profit d’un état moins hiérarchisé, avec une augmentation des informations sensorielles et intuitives, ainsi que de l’entropie et une diminution des fonctions d’activation », a détaillé le chercheur Victor Oswald au congrès de Lyon.

 

D’où le vécu des transeurs, caractérisé par une augmentation de la spontanéité, une diminution de l’inhibition et l’exploration d’un monde où les frontières entre imaginaire et réel se brouillent. Selon l’analyse du professeur Francis Taulelle :

 

« Un peu comme si, grâce à cette expérience, on récupérait le fonctionnement cérébral des très jeunes enfants. Leur lobe frontal, peu développé, ne peut inhiber, comme chez les adultes, les zones cérébrales liées à ces capacités. » 

 

Convaincue du potentiel bénéfique d’un outil qui a éclairé sa propre vie, Corine Sombrun s’est en tous cas donné la mission généreuse de le partager le plus largement possible. Pour y parvenir, elle a décidé de miser sur la science, seul sceau de légitimité qui vaille pour notre civilisation occidentale, hyperrationnelle. Exit donc, toute référence chamanique ou sacrée :

 

« Les traditions ancestrales nous proposent des interprétations du phénomène de transe. Nous, on note les faits. On ne cherche pas d’interprétation, mais des explications. Avec la TCAI, on essaie de construire une connaissance. »

 

La « chamane » française a ainsi bâti, au service de sa vision, un écosystème scientifique unique au monde. Elle a, au fil du temps, formé quelque 3 000 transeuses et transeurs volontaires, dont quelque 400 chercheurs, médecins ou thérapeutes. Garante de l’éthique de la pratique, elle dirige l’Institut TranceLab, qui forme les cadres et référents de santé à l’auto-induction. En parallèle, deux diplômes universitaires, intitulés « Etude des transes » et « Pratique des transes », coordonnés par Antoine Bioy et Marie-Carmen Castillo, ont démarré à l’automne 2021 à l’université Paris-8-Vincennes-Saint-Denis, avec une première promotion qui sortira en 2025. L’Institut TranceScience, présidé par le docteur en neurosciences François Féron et dirigé par la chercheuse en cognition sociale Audrey Breton, mène les études et fédère la communauté scientifique. Enfin, un fonds de dotation est destiné à lever des capitaux auprès de mécènes et sponsors.

 

Mais à quoi peut bien servir la transe ? Tous formés, la plupart des professionnels présents à Lyon l’utilisent dans leur vie quotidienne.

 

Que ce soit pour augmenter l’estime de soi, améliorer leurs relations familiales ou sociales, dompter leur stress ou doper leur créativité. « Je fais des microtranses pour clarifier mon esprit entre deux patients », confie une psychiatre. Cette autre participante raconte :

 

« J’ai appris à transer en faisant mon jogging. Je m’imagine avoir des ailes… et je décolle ! »

 

Ces constats empiriques commencent à être validés par une vingtaine d’études en cours. « Nos travaux portent sur trois grands axes, détaille François Féron. Le bien-être social, les nouvelles voies thérapeutiques et le potentiel humain augmenté. »

 

Ces études portent sur toutes les facettes de la TCAI : de sa signature cérébrale et ses marqueurs physiologiques et psychiques à ses effets sur la force musculaire et le ressenti de la douleur, de son approche anthropologique à l’étude du « protolangage » articulé par ses pratiquants (voir encadré 1 en fin d’article), de son inclusion en psychothérapie (voir encadré 2) à son utilisation pour améliorer la qualité de vie des malades du cancer...

 

« Comme l’autohypnose ou la méditation de pleine conscience, la transe pourrait devenir un outil d’autonomisation des patients », estime Audrey Vanhaudenhuyse, chercheuse au Giga-Consciousness de l’université de Liège. Cette équipe était spécialisée dans le coma et l’hypnose, quand une rencontre avec Corine Sombrun, en 2018, l’a incitée à élargir ses travaux à la TCAI.

 

Une première étude neurophénoménologique sur une cohorte de 27 transeurs est en cours. Tout comme l’impact de la transe sur la qualité de vie de patients du service d’oncologie du CHU de Liège. Une étude similaire est en projet à l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris.

 

Plus généralement, la transe pourrait contribuer au bien-être : 

 

selon Pierre De Oliveira, de l’université de Bourgogne, les transeurs expriment des affects positifs, un sentiment de paix intérieure qui pourrait être lié aux sensations d’atténuation des frontières corporelles et d’unité avec l’environnement. Une nouvelle voie vers le bonheur ? Bien sûr, la prudence est de rigueur : « Ces études n’en sont qu’aux prémices, dit François Féron. Et puis l’expérience n’est pas évidente ou joyeuse pour tout le monde. Il faut aussi montrer ce qui ne fonctionne pas. » Le président de TranceScience préconise davantage de diversité dans le recrutement des transeurs. Et encourage à poursuivre les travaux avec toute la rigueur, l’éthique et l’accompagnement dont les chercheurs ont jusqu’ici fait preuve, afin de parvenir à lancer de véritables essais cliniques.

 

Des études pilotes en oncologie

 

La TCAI ne requérant pas l’usage de médicaments, ces recherches médicales devraient être mieux acceptées que celles portant sur les substances psychédéliques comme la MDMA (ecstasy), la psilocybine (champignons hallucinogènes) ou le LSD (acide). François Féron espère :

 

« La France a l’opportunité de devenir le fer de lance mondial de cette nouvelle science de la transe. »

 

Certains penseurs de gauche considèrent la pratique des états non ordinaires de conscience – et plus largement du développement personnel – comme une tendance néfaste, qui privilégierait le bien-être de l’individu au détriment de l’action sociale collective. De simples pratiques-rustines pour s’adapter à modèle capitaliste de plus en plus productiviste ? Les transeurs rencontrés à Lyon estiment, au contraire, que si une masse critique de la population était initiée, la transe aurait – par capillarité – le pouvoir de changer la société. « La transe est un puissant levier de transformation personnelle, car on ne supporte plus les faux-semblants », remarque la chercheuse Audrey Vanhaudenhuyse. Les soignants expliquent d’ailleurs que cette pratique leur a permis de mieux connaître leurs limites.

 

L’anthropologue Jean-Louis Tornatore, de l’université de Bourgogne, pense pour sa part que la TCAI, « pratique disponible et ouverte, insérée dans la vie comme un geste aussi fondamental que dormir ou manger » pourrait appartenir à « une écologie politique de communs du soin et de l’attention ». Les transeurs les plus utopiques auront-ils plus de succès que Timothy Leary, le gourou du LSD qui, dans les années 1970, comptait sur les psychédéliques pour faire triompher la contre-culture ? Corine Sombrun, elle, espère que la transe procure à chacun « joie et inspiration pour créer un futur durable ». Une belle vision.

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Un « protolangage » émotionnel ?

 

Lors de leur pratique, la plupart des transeurs profèrent une suite de vocables qui ne correspondent à aucune langue connue, mais constituent un moyen d’exprimer ce qu’ils ressentent. Surprise : grâce à ces onomatopées, ils semblent même se comprendre entre eux ! D’où l’intérêt d’ausculter ce « protolangage » caractéristique de la TCAI.

 

« Pourrait-il s’agir d’un langage émotionnel universel ? », s’interroge Béatrice Fracchiolla, professeure en sciences du langage à l’université de Lorraine. Passionnée par la question, cette spécialiste de la violence verbale a recueilli depuis l’été 2021 une cinquantaine d’échantillons de cette langue de la transe, dont elle étudie la forme, le caractère évolutif, les intonations… « Elle revêt certaines caractéristiques propres aux langues parlées, en particulier le caractère articulé, syllabique, une expression prosodique et mélodique », explique la chercheuse. Par ailleurs, « chaque personne qui transe semble avoir son propre protolangage, comme si c’était une signature vocale, qui présente certaines récurrences ». Il y aurait en tout cas transmission d’un message, car l’écoute d’extraits de protolangage peut aussi induire un départ de transe…

 

S’agit-il d’une simple verbalisation émotionnelle, ou bien d’une manière structurée de communiquer ? Pour résoudre cette énigme, il faut à présent étoffer la base de données et l’analyser grâce à un outil d’intelligence artificielle. Béatrice Fracchiolla a en tous cas livré à Lyon sa propre « hypothèse poétique » : et s’il s’agissait de langues ancestrales disparues, transmise par une mémoire transgénérationnelle ?

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Un outil de psychothérapie ?

 

La transe cognitive a déjà fait l’objet de quelques études pilotes en psychiatrie. Marie (le prénom a été changé), 45 ans, subissait de manière récurrente des crises non épileptiques psychogènes (Cnep), accompagnées de gestes incontrôlés et de convulsions. « Fréquemment hospitalisée en urgence, cette patiente était à la fois sous antidépresseurs, régulateurs d’humeur et anxiolytiques », raconte Valérie Picard. Spécialiste des addictions et des affections neuro-atypiques, cette psychiatre exerçant en Suisse a été formée à la TCAI, fin 2020, avec toute son équipe. « Un jour, un infirmier du service a repéré que, lors de ses crises, Marie parlait en protolangage. En lui répondant en protolangage, il a stoppé le processus… »

 

Agnès Trébuchon, neurologue à l’hôpital de la Timone à Marseille, a émis l’hypothèse que ce type de crises dissociatives pouvait s’apparenter à une transe. Une intuition qui a changé le regard sur les Cnep : « Le corps ayant besoin de ces manifestations, il fallait apprendre à les gérer. » Pour Valérie Picard, « le fait de dire au patient qu’il n’est pas fou, lui donner les clefs pour comprendre ses symptômes, supprime toute honte ou culpabilité ».

 

Une fois formée à la transe, Marie a en effet peu à peu repris confiance en elle, et acquis une certaine autonomie pour gérer ses crises. Pratiquée simultanément par la patiente et ses médecins – psychiatre et psychothérapeute – la TCAI a favorisé l’alliance thérapeutique. « Cela nous a permis de travailler un par un, au rythme donné par Marie, chacun des nombreux traumatismes à l’origine de sa dépression », explique Valérie Picard. Deux ans plus tard, Marie est en rémission complète, et est en passe d’arrêter les antidépresseurs. Ce type d’approche pourrait, selon les médecins, s’appliquer à d’autres indications : troubles dissociatifs de l’identité, troubles dépressifs et anxieux, traumas vicariants (par procuration) des pompiers ou urgentistes, stress post-traumatique…

 

Par Dominique Nora, envoyée spéciale à Bron